LE SILENCE DU TRIDENT |
Guy écarquille les yeux : la lumière se
dirige droit sur lui ! Mais, arrivée à un mètre, elle paraît fondre et
disparaît. Les yeux, encore emplis de la lueur, il fait quelques pas en
titubant légèrement, en se les frottant.
- Sacrée lumière, peste-il !
Puis ses yeux reviennent à leur vision
première, il grimpe alors la dune au sommet de laquelle il a abandonné sa jeep.
C’est en s’asseyant derrière son volant que le second petit fait curieux se
manifeste. Il débute par un bourdonnement qui va crescendo pour cesser aussi
brusquement qu’il est apparu et une
phrase lui vient à l’esprit, une phrase qu’il n’a pas pensée ; une phrase qui s’est directement imprimée
dans son esprit ; une phrase qui dit ou plutôt qui implore :
·
Maître les hommes continuent à souiller ton Royaume. Il faut que
tu nous protèges, nous tes sujets.
·
Qu’est ce que cette phrase
? Sans doute, l’ai-je lue quelque part et elle me revient maintenant, face à la
mer.
Il met le contact et
démarre.
Il s’élance à
l’assaut de la plage.
Quand il
rentre au garage sa jeep couverte de sable, la lumière, le bourdonnement et la
phrase font partie des souvenirs. Et c’est en sifflant un air à la mode qu’il
ouvre la porte de sa villa. Pendant que sa baignoire se remplit, il met en
marche la radio. Bien qu’âgé de trente ans et bien fait de sa personne, aucune
femme n’habite le cœur de Guy. Ses occupations d’écrivain lui laissent assez de
temps libre qu’il consacre à courir la plage toute proche ou les musées et
bibliothèques qu’il parcourt en autodidacte.
·
Maître, protège ton Royaume et tes sujets !
La phrase, qui s’est
imprimée dans son cerveau, à l’instar de la première, le rend perplexe. Il
s’approche de la radio et écoute attentivement, mais ce n’était pas une
émission de Science-Fiction ou autre qu’elle retransmet.
Rejetant, une fois encore
cette pensée, il se dirige vers la salle de bains, y entre et ferme l'eau. Le
liquide agité se calme bientôt et sa surface devient aussi lisse qu'un miroir.
Voulant juger de sa température, il approche la main, mais celle-ci n’a pas
encore touché le miroir liquide qu’un tourbillon apparaît qui se creuse
jusqu’au fond tandis que :
·
Maître protège tes sujets de la mort !
Cette fois, certain de
n’être pas le jouet d’une illusion, il tente une expérience.
Se concentrant il se
force à penser.
·
Qui êtes-vous et que voulez-vous ?
·
Nous sommes les représentants de toutes les races marines et
sous-marines et nous t’implorons, Maître, sauve-nous de la mort que les hommes
de la surface font peser sur nous par leur inconscience ou leur désir de nuire.
Pendant l’incident, il a
approché sa main de l’eau redevenue calme et cette fois des vagues se forment
comme sous un vent capricieux.
Il renonce à son bain et
sort précipitamment de la villa. Il entre dans le garage s’empare au passage de
son équipement de plongée et le dépose à l’arrière de la jeep. Puis il démarre
en trombe et fonce vers la plage …
Il a rejoint l’endroit où
il a vu la lumière. Quelque chose lui disait qu’elle serait là, qui
l’attendrait, lui. Effectivement, elle luisait doucement … quand il approche,
avec son équipement et qu’il l’endosse, la lumière, comme si elle avait
compris, se met à briller intensément, à faire quelques mètres vers la mer, à
revenir en arrière. Quand il s’est équipé, il essaie de fixer l’éclat de
celui-ci, recommence son manège vers la mer, revenir, repartir pour enfin
s’immobiliser à quelques pas de lui.
De la démarche
caractéristique des plongeurs équipés, il s’avance et entre dans les vagues.
Bientôt, elles atteignent sa taille et l’une d’elles le submerge. Il se met
alors à nager. Il brasse l’eau depuis une demi-heure, quand il discerne une
forme longue qui flotte entre deux eaux. La lumière toujours le précédant,
paraît s’y enfoncer et quelques secondes plus tard, un sas apparaît dans le
flanc de l’étrange appareil. Bien que
nullement rassuré, mais piqué par une curiosité légale, il le franchit. Il ôte
son masque et se débarrasse de sa bouteille et de sa ceinture plombée …Un autre
sas s’ouvre et il pénètre dans une cabine relativement vaste. Des lampes
clignotent. Des appareils cliquettent. Bref, tout dénote une intense activité.
En s’approchant d’une couchette, il voit, posée dessus, une tunique blanche et
verte avec un billet qui disait :
« - Vous habitant du Monde
de la Surface, votre arrivée était prévue depuis des temps immémoriaux. En
revêtant cette tunique, vous endossez en même temps les responsabilités de
Maître des Créatures Marines et Sous-Marines. Votre mission sera de défendre
vos sujets dévoués depuis l’aube de Temps. »
Sans plus réfléchir, il
endosse la tunique et froisse le billet. Soudain, un bourdonnement le fait
s’approcher de l’un des hublots. Le vaisseau étrange se déplace! Il voit défiler,
sous les puissants phares des montagnes, des crevasses, çà et là quelques
épaves, évoluer des poissons incroyables qui ne craignent pas, semble-t-il cet
appareil profane. Les phares s’éteignent et après quelques secondes, Guy
discerne, dans le lointain, une vague lueur. Dans son dos, le cliquettement des
appareils augmente d’intensité et une fiche en tombant dans son réceptacle
déclenche une sonnerie. L’humain se retourne et se dirige vers l’appareil, se
saisit de la feuille de papier et la sonnerie s’arrête.
Le vaisseau se trouve
actuellement vers 8 375 mètres de fond. Sa vitesse avoisine 1700
mètres/minutes. Vous avez quitté votre monde depuis quatre heures et trente
minutes. Nous approchons du but de notre voyage : Poséïdons II.
Poséïdonis ! Capitale de
l’Atlantide ! Que de fois, ce nom fit rêver les Hommes ! et voilà qu’un obscur
Terrien approche de cette ville légendaire.
Guy regagne le hublot. La
lueur est devenue toute proche. Au fur
et à mesure que le sous-marin avance, il distingue autre chose que des
formes confuses. Celles-ci se muent en tours, en temples, en maisons … Le
vaisseau s’arrête. Guy s’aperçoit que la ville est protégée par un dôme
apparemment fait de verre. Et sous ce dôme, des personnages s’agitent. Le
vaisseau s’avance jusqu’à toucher le verre. Puis, sans que Guy comprenne quoi
que ce soit le submersible est à quai. Le passager descend la rampe d’accès et
fait quelques pas : des êtres marchent vers lui.
Des êtres qui lui
ressemblent physiquement. Ils les saluent avec déférence et l’un d’eux, de la
main, l’invite à la suivre C’est alors qu’il remarque qu’ils portent tous la
même tunique immaculée : hommes comme femmes et enfants. Le cortège chemine
dans la rue et les habitants commencent à le suivre. Il découvre sa destination:
un immense bâtiment, il décèle de délicates ciselures sur lesdites colonnades.
Il gravit sept marches à la suite de ses guides. La monumentale porte jaunâtre
s’ouvre silencieusement sans qu’une parole ne soit prononcée, ni une serrure
jouée. Ils entrent et les guides s’effacent. L’humain s’extasie devant la
décoration où le même éclat jaunâtre ajoute à la beauté. Quand il lève les yeux
vers le fond de la salle, il y distingue une estrade. Il continue à s’approcher
et il aperçoit un vieillard à barbe blanche qui le détaille en souriant :
·
Approche, Homme de la Surface et ne craint rien. Je suppose que tu
voudrais quelques explications quant à ton arrivée ici ? fait-il presque ironiquement
·
Oui, mais comment avec vous pu …
·
Le cerveau n’a plus de secrets pour nous. Nous y lisons comme dans
un livre ouvert. Tu as été amené ici parce que les Temps sont venus.
·
Les Temps ?
·
Selon, nos écrits anciens, un homme de la Surface viendrait qui
nous sauverait, nous et les autres créatures de la mer. Et cet homme porterait
sur le cœur, le signe de sa lignée : un trident. Nous avons attendu douze de
tes millénaires avant qu’un de nos agents nous signale ta présence. Maintenant,
tu es venu et si tu le veux, nous sommes à tes ordres.
·
De quelle lignée parles-tu ? Qui êtes-vous ?
·
Je vais répondre à la seconde question, la réponse à la première
sera alors évidente. Te souviens-tu encore de tes lectures de jeunesse Tu as appris qu'en des temps immémoriaux,
des hommes au savoir immense étaient les Maîtres du Monde. Ils peuplaient
surtout deux continents, aujourd’hui disparus qui s’appelaient ATLANTIDE et MU.
Un jour, pour une raison futile, les Hommes de MU ont commis une faute
irréparable ; ils ont déclenché une guerre. Sous les explosions atomiques, en
l’espace d’un jour et d’une nuit, les deux continents sont engloutis avec leurs
40 millions d’habitants. Dans le cadre d’une expérience, des savants des deux
continents avaient construit une cité sous-marine et vivaient des ressources
inestimables de la mer. De part leur savoir, ils apprirent qu’en des temps
futurs, viendrait un homme qui sauverait les descendants de Poséïdonis II. Cet
homme-là, tu l’as deviné, c’est toi : tu portes le signe. Tu vas suivre une
série d’expériences qui feront de toi le Maître incontesté de cette cité et de
son royaume aquatique. Acceptes-tu ta mission ?
·
Je l’accepte, mais pourquoi ai-je le signe ?
·
Seuls les descendants de sang par Atlante porte le signe et je
suis trop vieux
·
Mais la cité a aussi des jeunes hommes !
·
Ce sont les descendants de MU et ils n’ont pas droit de règne.
C’est la conséquence de leur guerre qui nous a tous détruits.
·
Que ferais-je quand vous estimerez que je serai prêt ?
·
Tu devras tout faire pour apprendre aux habitants de la Surface
qu’ils s’autodétruisent. Les poisons radioactifs qu’ils déversent dans la mer
et dans le ciel, la guerre froide, les tensions ….provoqueront une catastrophe
qui annihilera la Terre. Quant à cette cité, elle restera la Gardienne de la
Terre et, par ton intermédiaire, distillera la science à ce monde. Pour ce
faire, les tests te donneront un pouvoir dont tu n ‘as pas idée… »
Quelques temps plus tard,
un homme marche dans la ville. Anonyme, il parcourt les trottoirs et dirige ses
pas vers le port. Arrivé, il s’informe auprès d’un matelot du départ d’un
remorqueur de haute mer. Puis, il repart vers l’héliport.
·
Dîtes moi pilote, pouvez-vous me conduire en mer ?
·
De suite ?
·
Si possible,
·
Je vais chercher mon plan et le contrat de location.
Le rotor se met à tourner
et dans un vrombissement formidable, l’hélicoptère décolle. Bientôt, la ville, puis le port défilent sous
l’appareil.
Délaissant la beauté
presque irréelle de l’étendue liquide, Guy scrute l’horizon. Enfin, un
rectangle sur l’horizon attire son attention.
·
Droit dessus !
·
Vous voulez atterrir dessus ?
·
Non, une tempête se prépare,
·
Une tempête ?, ce n’est pas possible, la météo …
·
Regardez !
Effectivement, un nuage
apparaît qui grandit, noircit, devient menaçant et lance des éclairs. Les
vagues se font houleuses. L’appareil commence à tanguer.
·
Il faut rentrer, sinon, je ne réponds plus de l’appareil
·
Continuez, nous passerons sans mal et faîtes le point fixe
au-dessus de ce bâtiment
·
Mais …
·
Faites ce que je vous dis !
Guy a à peine achevé, que
l’appareil se stabilise et pourtant il est au plus fort de la tempête.
J’arrive à temps, il
s’apprêtait à vidanger ses cuves malgré l’interdiction. Le supertanker ne
paraît pas affecté par ce déluge d’eau, mais la manœuvre n’est plus possible et
le commandant juge bon de la remettre et se dirige droit vers le port.
·
De toutes façons, la tempête le suivra jusqu’au port, allez, on
rentre.
Plusieurs jours après,
Guy reçoit, à son hôtel, une visite de la police :
·
Nous avons quelques questions à vous poser
·
Faîtes votre devoir,
·
Pouvez-vous nous apprendre comment vous avez fait pour protéger
l’hélicoptère dans cette étrange tempête ?
·
Non !
·
Vous ne voulez rien nous dire ?
·
Non !
·
Dans ce cas, nous vous emmenons au Tribunal pour dissimulation de
secret pouvant servir au bien de l’Humanité.
·
Je vous suis.
·
Voyons, Monsieur, votre secret pourrait sauver des milliers de
vies humaines. Au fait, votre carte d’identité porte le nom de Guy Neptun.
Est-ce bien votre nom ?
·
C’est mon nom quoique transformé
·
Vous admettez donc qu’elle est fausse !
·
Non, elle est vraie, mais …
Un éclair apparaît dans la salle devant
l’assistance sidérée et un trident de lumière quasi surnaturelle éclaire le
box.
En réalité, je suis plus connu sous le nom
de NEPTUNE et je suis revenu pour sauver l’Humanité du péril et pas une poignée
!
L’éclair apparaît, aveugle un instant la
foule et quand elle peut à nouveau discerner son entourage, elle pousse un cri
unanime : l’accusé a disparu !
Mais une voix caverneuse, maintenant,
retentit :
- Souvenez-vous,
Mortels, TOUTE L’HUMANITE ! ! !